Le Supplementum Corvinianum et le programme « Corvina » de la Bibliothèque Nationale Széchényi

Résumé

Présentation du projet de recherche sur les manuscrits de Matthias Corvin porté par la Bibliothèque nationale de Hongrie, par Istvan Monok (Bibliothèque nationale de Hongrie, [monok [arobase] oszk (point) hu]).

Article

La fondation de la bibliothèque nationale hongroise est due à un aristocrate opulent, le comte Ferenc Széchényi : contrairement à celles d’autres pays, la collection ne s’est pas donc construite à partir de la bibliothèque du monarque. Dans la période précédant la fondation en 1802 (mais souvent après cette date aussi), plusieurs personnages illustres soulignaient que la Hongrie ne devait pas renoncer au projet de créer une bibliothèque nationale, malgré l’absence de monarchie. La découverte, la documentation (et parfois l’acquisition) des pièces individuelles de la bibliothèque des corvina fut un objet de prédilection des recherches hongroises concernant l’histoire du livre.

La Bibliothèque Nationale Széchényi est toujours prête à publier les derniers résultats de la recherche, tout comme d’autres maisons d’édition, qui agissent avec le même enthousiasme dans ce domaine. La revue de la Bibliothèque, intitulée Magyar Könyvszemle, rend régulièrement compte des résultats scientifiques. En 1940, à l’occasion de la commémoration du 500e anniversaire de l’accession au trône du roi Mathias, la Bibliothèque publia la bibliographie des corvina établie par Klára Zolnai1. La Bibliothèque a participé aux efforts de chacune des générations de chercheurs qui ont étudié les corvina, depuis János Csontosi, en passant par Jolán Balog2 et jusqu’aux époux Csapodi. C’est un fait indiscutable, même si les bibliographies préparées par Csaba Csapodi et son épouse, Klára Gárdonyi, ont vu le jour soit chez des éditeurs commerciaux3, soit par les soins de la Bibliothèque Centrale de l’Académie Hongroise des Sciences4. De temps en temps, la Bibliothèque organise des expositions adressées au grand public5 ou elle participe aux expositions internationales majeures6.

Depuis 2000, la Bibliothèque anime un programme qui implique non seulement l’enregistrement officiel et l’aide accordée aux recherches individuelles, mais stipule – dans son acte de fondation – une obligation institutionnelle à poursuivre des recherches. Pour préparer la réalisation de ce programme, la Bibliothèque a organisé une exposition de corvina à Budapest7 (cette exposition faisant partie de la commémoration du bicentenaire de la fondation) et une autre à Modène, en Italie8. La Bibliothèque a également inauguré un programme pour la numérisation des corvina authentiques9 et en même temps elle a fait enregistrer l’ensemble des codex sur la liste de la Mémoire du monde de l’UNESCO (2005)10. L’enthousiasme avec lequel les chercheurs et les bibliothécaires responsables de la conservation des corvina travaillent dans ces programmes s’explique probablement en partie par ce fait.

Nous avons élaboré le nouveau programme de recherche des corvina en préparant les commémorations du 550e anniversaire de l’intronisation de Matthias et du 600e anniversaire de la naissance de János Vitéz. L’objectif de ce programme, animé par la Bibliothèque, est d’établir une nouvelle bibliographie exhaustive des corvina et de réunir une documentation historique les concernant. Il s’agit aussi de reprendre, selon les critères les plus récents, l’étude des corvina douteux ou jadis considérés comme tels, afin d’en réévaluer l’authenticité. Cette réévaluation traitera non seulement des questions codicologiques et paléographiques, mais aussi les aspects de l’histoire du livre et de l’art. Enfin, on ne manquera pas d’examiner le programme iconographique mis en œuvre dans telle ou telle pièce. Par la suite, nous envisageons d’analyser le processus de naissance de tous les corvina formant aujourd’hui une unité indissociable, ce qui nous permettrait de comprendre et de présenter, période par période, depuis la fondation jusqu’à nos jours, en quoi consiste exactement ce qu’on peut appeler le phénomène corvina.

Notre situation d’aujourd’hui est particulièrement favorable, puisque les grands programmes de recherche en cours dans le domaine de l’histoire du livre d’art (ou dans les sciences humaines en général) montrent un intérêt indéniable à l’égard des événements historiques et culturels de l’ancien « bloc de l’Est ». La collaboration avec ces programmes de recherche promet d’être très fructueuse, en premier lieu parce que nous pouvons en tirer d’utiles leçons de méthodologie, en second lieu parce que nous ne serons plus obligés de traiter telle ou telle question de détail qui se pose à propos des corvina de manière isolée : nous pourrons avoir une vue globale sur l’activité d’un copiste ou d’un atelier, sur le sort réservé à une collection de manuscrit en rapport avec peut-être un seul des corvina. L’accès à la littérature spécialisée et l’acquisition des reproductions est une tâche beaucoup moins compliquée aujourd’hui qu’elle ne l’était du temps de nos prédécesseurs.

Nous pensons disposer de ressources humaines suffisantes pour rendre systématiques nos efforts de recherche. Il nous paraît également indiscutable que la Bibliothèque Nationale Széchényi constitue un cadre institutionnel convenable pour l’enregistrement, la conservation et la publication des résultats des recherches en cours. Notre objectif principal à moyen terme est donc la publication d’une nouvelle bibliographie des corvina. Pour ce faire, nous allons créer trois principales banques de données ou ensembles documentaires :

  1. Documentation relative à chaque codex (les corvina authentiques et tous les autres volumes en rapport avec la Bibliotheca Corviniana). Cette documentation renfermera les copies connues du volume, ainsi que les copies d’autres codices, manuscrits ou imprimés en rapport avec le corvina en question, les références à tous les articles et à toutes les études le concernant, et enfin les références à tous les articles concernant son auteur et son éditeur.
    Responsable de cette documentation : Edina Zsupán, manused[arobase]oszk.hu.
  2. Base de données bibliographiques à l’intérieur de la base de données bibliographique unifiée des sciences humaines hongroises (HUMANUS)11. Elle doit contenir toutes les références de littérature spécialisée et elle doit indiquer tous les volumes en rapport avec la référence bibliographique en question. Les textes relatifs à chaque référence seront accessibles dans la bibliothèque électronique adaptée (Magyar Elektronikus Könyvtár, Elektronikus Periodika Archivum, OSZK Digitális Könyvtár), d’où ils seront consultables en version numérisée12.
    Responsable : Ekler Péter, ekler[arobase]oszk.hu
  3. Base de données de la bibliographie corvina, renfermant les textes qui concernent l’histoire de la bibliothèque de Matthias ou l’histoire individuelle d’un codex ou d’un imprimé : notes et remarques contemporaines, mentions, détails de chroniques et de lettres, préfaces, commentaires d’ordres privé, lettres missives. Tous les documents antérieurs à la publication de la première étude monographique (Schier)13 seront considérés comme sources possibles. On se servira, bien entendu, des matériaux conservés dans les archives provenant des xixe-xxe siècles également. Puisque nous envisageons la conservation de toutes les études sous forme numérique aussi, nous pourrons décider, au moment de la publication de la bibliographie corvina, si tel ou tel article fera partie de la bibliographie ou sera publié en tant qu’anthologie spécialisée (en supposant que de tels livres soient encore publiés en version imprimée sur papier).
    Responsable : István Monok, monok[arobase]oszk.hu.

Une partie de la série des missions a déjà eu lieu : celles ci seront poursuivies sur une durée assez longue, puisque notre objectif est de permettre qu’un groupe composé des mêmes personnes puisse examiner tous les ensembles majeurs de corvina. Dans le cadre de ces missions, les spécialistes locaux et les chercheurs hongrois procèdent à la révision de tous les volumes. Nous avons habituellement collaboré avec des chercheurs débutants, afin que la formation de la génération à venir soit assurée. Nous avons commencé notre parcours à Munich et à Wolfenbüttel, puis nous avons examiné de près le supposé corvina de Kiel. Les destinations suivantes seront Paris et Besançon, puis les collections situées en Hongrie.

Afin d’assurer la publication continue des résultats de nos recherches, nous avons fondé la collection intitulée Supplementum Corvinianum, qui abritera deux séries. La première, Ex Bibliotheca Corviniana, est consacrée aux études – rédigées par des spécialistes étrangers et locaux – traitant les corvina dans les collections actuelles. Le premier volume a vu le jour à l’occasion du 450e anniversaire de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich, en tant que catalogue de l’exposition des corvina qui y sont conservés14. Le volume suivant de cette série – de couleur bleue – sera la présentation des corvina de Wolfenbüttel, puis il sera suivi d’un troisième volume consacré aux corvina grecs, préparé par András Németh.

L’autre série – de couleur pourpre – sera intitulée De Bibliotheca Corviniana. Elle sera consacrée à la publication des sources volumineuses (telles Naldo Naldi et Schier), des recueils d’études, des matériaux de colloques (à commencer par le volume des actes du colloque de Paris, 2007), et enfin à des ouvrages de synthèse monographiques (comme par exemple l’étude des corvina de la Bibliothèque Nationale du point de vue de l’histoire de l’art, préparée par Árpád Mikó).

La collection Supplementum Corvinianum sera publiée dans une langue de rayonnement mondial, choisie en fonction du sujet du volume en question. Les traductions hongroises de certains textes latins d’importance seront également présentes dans la collection, et il n’est pas exclu qu’un certain nombre d’études y figurent également en langue hongroise. Le forum principal des études en hongrois demeure néanmoins la revue Magyar Könyvszemle, ainsi que la collection Res libraria.

Notes

1 Bibliographia Bibliothecae regis Mathiae Corvini – Mátyás király könyvtárának irodalma, Fitz József közrem ű ködésével összeállította, Zolnai Klára, Budapest, 1942 (Az Országos Széchényi Könyvtár kiadványai, X.).

2 Jolán Balogh, A m ű vészet Mátyás király udvarában. I – II. köt., Budapest, Akadémiai Kiadó, 1966.

3 Csaba Csapodi, The Corvinian Library. History and Stock, Budapest, Akadémiai Kiadó, 1973 (Studia Humanitatis, 1) ; Csaba Csapodi – Klára Csapodiné Gárdonyi, Bibliotheca Corviniana, Budapest, Helikon Kiadó, 1990.

4  Csaba Csapodi, A budai királyi palotában 1686-ban talált kódexek és nyomtatott könyvek. Budapest, 1984 (A Magyar Tudományos Akadémia Könyvtárának közleményei, 15/90).

5  Bibliotheca Corviniana 1490 – 1990. Nemzetközi corvinakiállítás az Országos Széchényi Könyvtárban Mátyás király halálának 500. évfordulójára 1990. április 6. – október 6, Bev. Csaba Csapodi, Klára Csapodiné Gárdonyi, Szerk. Ferenc Földesi, Budapest, OSZK,1990.

6  Schallaburg’82. Matthias Corvinus und die Renaissance in Ungarn, 1458 – 1541. 8. Mai – 1. November, 1982, red. von Gottfried Stangler, Moritz Csáky, Richard Perger, Andrea Jünger, Wien, 1982 ; Mátyás király és a magyarországi reneszánsz 1458 – 1541, Magyar Nemzeti Galéria, 1983. február 24. – június 26. A kiállítást rendezte, a katalógust szerk. Gyöngyi Török, Budapest, MNG,1983.

7  Uralkodók és corvinák/Potentates and Corvinas. Az Országos Széchényi Könyvtár jubileumi kiállítása alapításának 200. évfordulóján./Anniversary Exhibition of the National Széchényi Library, szerk./ed. by Orsolya Karsay, Budapest, OSZK, 2002.

8  Nel segno del Corvo. Libri e miniature della biblioteca di Mattia Corvino re d’Ungheria (1443 – 1490), a cura di Ernesto Milano. Modena, Il Bulino, 2002, (Il giardino delle Esperidi, 16) ; Version hongroise : A holló jegyében. Fejezetek a corvinák történetéb ő l, szerk. István Monok, Budapest, Corvina Kiadó – OSZK, 2004.

9 http://www.corvina.oszk.hu/

10 http://portal.unesco.org/ci/en/ev.php-URL_ID = 14904 & URL_DO = DO_TOPIC & URL_SECTION = 201.html

11  HUMANUS est une base de données nationale des sciences humaines, à laquelle collaborent les bibliothèques, les éditeurs, les rédactions et des personnes privées. Ses activités sont coordonnées par la BN. Voir : http://www.oszk.hu/humanus/

12 À condition que la Bibliothèque obtienne les droits de reproduction. Si ce n’est pas le cas, on conservera une copie – utilisable seulement à l’intérieur de la Bibliothèque – dans la Bibliothèque Numérisée.

13 Sixtus Schier, Dissertatio de regiae Budensis bibliothecae Mathiae ortu, lapsu et reliquiis, Vindobonae, 1766.

14 Ex Bibliotheca Corviniana. Die acht Münchener Handschriften aus dem Besitz von König Matthias Corvinus, Hrsg. von Claudia Fabian, Edina Zsupán, Budapest., 2008 (Bavarica et Hungarica, Bd. I. – Supplementum Corvinianum, Bd. I.).

Pour citer cette page : Istvan Monok, « Le Supplementum Corvinianum et le programme « Corvina » de la Bibliothèque Nationale Széchényi », dans Colloque Matthias Corvin. Les bibliothèques princières et la genèse de l’État moderne, 15-17 novembre 2007, D. Nebbiai, éd., Paris, IRHT, 2008 (Ædilis, Actes, 15) [En ligne] http://corvin.irht.cnrs.fr/recherche-monok.htm