Née au sein de la ville, la bibliothèque d’État, qui s’affirme au début de l’âge moderne, répond aux nouveaux enjeux économiques. Elle incarne une géographie de savoirs où la capitale, point d’ancrage et de diffusion des techniques, offre désormais un accès facile à l’information. Ouverte au public, elle est, surtout, au cœur des enjeux de la construction et de la représentation politiques. Alors que la dimension culturelle et artistique devient consubstantielle du statut propre du souverain, le livre se fait objet de représentation et élément indissociable de l’identité culturelle.
La plupart des manuscrits de la Bibliotheca Corviniana sont des manuscrits humanistiques de luxe
provenant d’Italie, datés de la seconde moitié du ⅹⅴ e s. Les armes
de Matthias Corvin ainsi que les reliures luxueuses « corviniennes » représentant le roi Matthias Augustus
nous permettent facilement d’identifier aujourd’hui un manuscrit de l’époque comme corvina ou non. Mais la réalité est plus compliquée,
car nombreuses sont les exceptions et nombreux les cas problématiques réclamant de la part des experts en manuscrits comme des historiens des efforts communs.
Ma contribution se borne ici à quelques remarques codicologiques sur les corvinas. Pour qu’on puisse se repérer facilement,
j’ai réalisé un tableau répartissant les deux cent vingt et un corvinas dits authentiques dans onze catégories différentes en fonction de leur rapport à Matthias et à la bibliothèque
de Buda. Le tableau présente en outre plusieurs données importantes (armes, reliure, provenance) afin d’en permettre une utilisation indépendante,
si le besoin s’en fait sentir. Il énumère les volumes dans un ordre grosso modo alphabétique
des auteurs. L’annexe Ⅱ listant les manuscrits dans l’ordre alphabétique des bibliothèques se veut une aide pour la lecture du tableau.
[Voir le tableau]
Disciplines nécessaires aux humanistes, la grammaire et la rhétorique leur offrent les instruments pour comprendre les textes et leur permettent d’assumer pleinement des responsabilités civiles et politiques. L’étude des textes théoriques (canons de bibliothèque) et des inventaires de livres montre que les savants et les lettrés privilégient les ouvrages de travail, notamment sur l’apprentissage de la langue, contrairement aux seigneurs qui, attachés à la notion de bibliothèque comme élément de pouvoir, privilégient une logique de représentation et n’accordent qu’une moindre importance à l’étude. Proche du premier modèle d’après les manuscrits conservés, la Corviniana semble néanmoins avoir pleinement répondu, par son programme, à la volonté politique de son fondateur de rivaliser avec les princes italiens de son époque.