Session Ⅱ.2 La Corvinana face aux grandes collections contemporaines

Tra Napoli e Buda : la biblioteca dei re d’Aragona e la Corviniana
Concetta Bianca Université de Florence

Il matrimonio tra Mattia Corvino e Beatrice d’Aragona segna una tappa importante all’interno della politica culturale del sovrano ungherese, che trova riscontro anche nella formazione e nell’accrescimento della biblioteca. In particolare Marco Cinico, copista, ma soprattutto « consigliere » di Ferrante, fa allestire a Napoli alcuni codici per la biblioteca corviniana e dedica a Beatrice l’edizione a stampa dei Sermones de laudibus sanctorum di Roberto Caracciolo e il Trattato dell’ottimo cortigiano di Diomede Carafa, non limitandosi ad un puro allestimento materiale, ma suggerendo presenze di testi che fossero in linea con una biblioteca principesca, come ad esempio le historiae degli antichi.

Matthias Corvin et la politique culturelle de Louis Ⅺ Jean-François Maillard, CNRS-IRHT

Contrairement à celle de Matthias Corvin, la politique culturelle de Louis Ⅺ reste mal documentée et très méconnue, en raison notamment de la propagande humaniste ultérieure. À la tête de royaumes d’importance comparable dont l’unité restait fragile, les deux monarques ont poursuivi une politique analogue.

Monarque lettré, Louis Ⅺ et sa famille reconstituent une grande bibliothèque érudite de manuscrits et d’imprimés. Un mécénat d’État apparaît chez les grands commis en direction de copistes et d’artistes tels que Jean Fouquet. Comme Matthias Corvin, Louis Ⅺ voit l’intérêt politique du pays à constituer un réseau érudit en direction notamment de l’Italie et des réfugiés grecs accueillis en France et à attirer des personnalités connues telles que Galeotto Marzio, antérieurement au service de Matthias Corvin.

En conclusion, une enquête mieux documentée sur la constitution de la bibliothèque de Louis Ⅺ, sur son entourage et sur le réseau intellectuel qu’il a favorisé profitera grandement des méthodes suivies dans la même perspective pour approfondir, lors du présent colloque, la politique culturelle du roi de Hongrie.

La bibliothèque Vaticane au ⅹⅴe s. Jeannine Fohlen, CNRS-IRHT

Melozzo de Forli, Sixte IV confiant la bibliothèque à Platina
Melozzo de Forli, Sixte IV confiant la bibliothèque à Platina

En promulguant le 15 juin 1475 la bulle Ad decorem militantis ecclesiae créant la bibliothèque Vaticane et nommant comme premier bibliothécaire l’humaniste Bartolomeo Sacchi Platina (1421-1481), le pape Sixte Ⅳ della Rovere (1471-1484) s’est montré à la fois un continuateur et un précurseur.

Après la fin du Grand Schisme et le retour à Rome, abandonnant le palais du Latran, les papes s’étaient installés dans le palais du Vatican ; quelques-uns, comme Grégoire Ⅻ Correr (1406-1415), Eugène Ⅳ Condulmer (1431-1447), Nicolas Ⅴ Parentucelli (1447-1455), Callixte Ⅲ Borgia (1455-1458), Pie Ⅱ Piccolomini (1458-1464) et Paul Ⅱ Barbo (1464-1471), avaient réuni une collection plus ou moins importante de manuscrits quelquefois décrite dans des inventaires.

À peine entré en fonction, B. S. Platina a procédé en 1475 à un récolement des collections et l’inventaire recense 1785 manuscrits latins (mais atteint en réalité 1 940 unités si l’on compte les ajouts, les doublons et les ratures). Quelques années plus tard, à côté des deux salles latines et de la salle grecque aménagées par Nicolas Ⅴ, Platina a dû faire construire une nouvelle salle réservée aux manuscrits latins : ces quatre salles ont reçu les noms de Bibliotheca Commmunis, Bibliotheca graeca, Bibliotheca Secreta et Bibliotheca Pontificia.

Deux fresques célèbrent cette création, qui a certes frappé les contemporains : la première, due à Melozzo de Forli, représente Sixte Ⅳ confiant la bibliothèque à Platina ; la seconde, anonyme mais postérieure à 1481, dépeint la visite de Sixte Ⅳ dans la Bibliotheca Communis et montre les bancs, les manuscrits et les érudits au travail.
En 1481, Platina a rédigé un nouvel inventaire des salles, par ordre topographique et méthodique, malheureusement resté inédit, décrivant 3 010 manuscrits latins.
La Vecchia Sistina était largement ouverte aux emprunteurs et aux chercheurs et les registres de prêts permettent de dresser la liste des bibliothécaires ou custodes en fonction sous le pontificat de Sixte Ⅳ.

Utilisant conjointement la présence des armes de Nicolas Ⅴ dans la salle grecque et la bulle de fondation par Sixte Ⅳ, la bibliothèque Vaticane n’a pas hésité à fêter deux fois son cinquantenaire, avec deux publications, l’une en 1950, l’autre en 1975.

Anonyme, Visite de Sixte IV dans la Bibliotheca Communis
Anonyme, Visite de Sixte IV dans la Bibliotheca Communis
[Reproduction moderne d'une fresque de l'Ospedale Santo Spirito] ap. 1481

L’Angleterre : des bibliothèques des rois à une Bibliothèque royale Jean-Philippe Genet, université de Sorbonne-Paris I

En Angleterre, le premier bibliothécaire royal, Quentin Poulet, a été nommé par Henry Ⅶ en 1492. Il semble donc que l’on puisse alors parler avec certitude d’une bibliothèque royale, même si certains en doutent encore. On a récemment tenté de faire remonter jusqu’à Édouard Ⅳ la création de cette bibliothèque : les magnifiques manuscrits flamands d’Édouard qui sont parvenus jusqu’à nous dans les Royal Manuscripts de la British Library prouvent assurément qu’il était un collectionneur. Il est du reste frappant que de nombreux princes et princesses anglais ont possédé des manuscrits de grande qualité, et que l’on repère des bibliothèques à la Cour : mais s’agit-il de bibliothèques de divertissement ou d’une véritable « bibliothèque d’État » comme peuvent l’être la bibliothèque des rois de France et celle des ducs de Bourgogne. Bibliothèque des rois ou Bibliothèque royale ? Là est la question …

Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Monnaies et Médailles. Bronze, 50mm. Représentant Nicolas de Ruter, par Giovanni Filangieri di Candida
Bruxelles, Bibl. roy. de Belgique
Cabinet des Monnaies et Médailles
Bronze, 50 mm.
Nicolas de Ruter, par Giovanni Filangieri di Candida

La réception de l’humanisme dans les Pays-Bas bourguignons (ⅹⅴe - début ⅹⅵe s.)
L’apport des bibliothèques privées Céline Van Hoorebeeck, Bibliothèque royale de Belgique

L’étude des bibliothèques privées constitue l’un des indicateurs privilégiés pour apprécier la nature et l’ampleur de la mutation humaniste aux Pays-Bas. L’auteur analyse la pénétration des idées et des valeurs humanistes dans l’entourage des ducs de Bourgogne et de leurs successeurs habsbourgeois. Au sein d’un milieu composite où la haute noblesse voisine avec les homines novi, exerçant un office rémunéré par l’État, deux grandes tendances se dégagent : l’humanisme « philologique », avec Antoine Haneron († 1490), Jérôme de Buysleden († 1517), Philippe Wielant († 1520) qui cultivent la langue et les lettres de l’Antiquité classique latine, et l’humanisme « bourguignon », à la coloration chevaleresque, et représenté par des proches immédiats du prince : Jean Lorfèvre († 1477), Vasque de Lucène († 1512), Jacques Donche († 1492), Antoine Rolin († 1497) et Guillaume Hugonet († 1477).

Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Département des Manuscrits, ms. IV 1264, f. 1
Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique,
Département des Manuscrits, ms. IV 1264, f. 1

La Librairie des ducs de Bourgogne : signification politique d’une bibliothèque princière Hanno Wijsman, université de Leyde

Au sein de la table ronde qui offre une comparaison européenne de la Bibliotheca Corviniana, notre contribution se propose en deux volets.

Le premier but de notre contribution est de donner un aperçu général de la librairie des ducs de Bourgogne et analyser son contenu dans le contexte de la politique de notamment Philippe le Bon (duc 1419-1467) et Charles le Téméraire (duc 1467-1477). La culture à la cour de Bourgogne – manuscrits, fêtes, manifestations, sculpture, peinture, etc. – est profondément politique. Un parallèle est à constater entre les étapes de la formation de l’État bourguignon (si en effet on peut utiliser ce terme au singulier…) et celle de la bibliothèque. Le prince français que fut Philippe le Bon s’émancipe d’abord de ses origines françaises au traité d’Arras en 1435 et se met ensuite à former un État lui-même. Toutefois, en même temps, culturellement il se manifeste en tant qu’héritier de la maison royale de France, en se référant expressément au mécénat du roi de France Charles Ⅴ (roi 1364-1380).

Dans le deuxième volet nous en venons à l’aspect comparatif. Une véritable comparaison détaillée de la Corviniana et de la librairie des ducs de Bourgogne s’avère difficile, mais également peut-être inutile. Les contenus de ces deux collections de livres (quasi-contemporaines) sont essentiellement différents. Il y a toutefois quelques observations à faire, notamment pour l’aspect linguistique (latin-français). Par contre, il nous semble essentiel d’interpréter ces deux bibliothèques, leur contenu, leurs sources, leurs inspirations, et leur cadre de référence, dans une perspective plus générale de la culture du ⅹⅴe s. La question qui se pose est celle-ci : est-ce que l’on peut comparer deux bibliothèques de façon juste si l’une a toujours été analysée comme un jalon important de la diffusion de la Renaissance à travers l’Europe et l’autre comme faisant partie d’une culture essentiellement conservatrice d’un « automne du Moyen Âge » ? Comment doit-on interpréter la culture bibliophilique, voire la culture curiale tout court, du ⅹⅴe s. ? Est-ce que l’on peut parler d’une unité culturelle de l’Europe ou est-ce qu’il y a surtout une multiplicité ?